Réflexion

Perspectives

L’Art, un terrain de rencontre

15 juillet 2025administrateur

L’annonce de l’Évangile reste contextuelle et sa forme change donc de lieu en lieu. Pour l’église PSP Paris Cardinet, ça se conjugue depuis des années avec des partages culturels et artistiques, au travers de leur réseau. Sarah Vaughan développe une pensée sur l’utilité de ce moyen et nous présente au travers du cas concret de leur dernière exposition une réflexion intéressante pour lier des problématiques sociétales, la parole biblique et des oeuvres d’art.

 

L’art comme terrain de rencontre

Nous avons voulu partir des atouts de notre ville et des ressources déjà présentes dans notre entourage. Nos prédécesseurs, Daniel et Esther Liechti, avaient déjà organisé des expositions à l’Église et dans la ville, y compris De la Parole à la Peinture à la Maison des associations. En réfléchissant à une nouvelle exposition, nous nous sommes rendus compte que plusieurs artistes se trouvaient déjà dans notre réseau : des voisins, des amis, des parents des camarades de nos enfants.

Les artistes n’étaient pas croyants pour la plupart. Ainsi, pour chaque exposition, nous leur proposions un thème en résonance avec les grandes interrogations de l’art contemporain (le temps, l’identité humaine, la liberté, la souffrance…). À partir de là, nous remettions aux artistes une sélection de versets bibliques avec lesquels ils pouvaient dialoguer librement, sans leur imposer notre propre lecture du texte. Et pour accompagner les visiteurs dans leur découverte de l’exposition, nous leur remettions une brochure avec, pour chaque artiste, le passage biblique choisi, une photo de l’œuvre et leur texte d’intention, éclairant son approche personnelle.

Un accueil, une ouverture, une Église visible

Dès la première exposition, Le temps et l’éternité, nous avons été surpris par l’ampleur de la réponse : plus de 100 personnes au vernissage, dont plusieurs élus municipaux. Une foule impressionnante pour notre petite salle ! Cette première expérience nous a servi de leçon précieuse : une exposition collective mobilise les réseaux de chaque artiste, ce qui contribue largement à sa visibilité.

Ces événements ont permis à de nombreuses personnes — amis des artistes, passants, habitants du quartier — de découvrir l’Église autrement. Le nombre de visiteurs a varié au cours des années, et force est de constater que les plus impactés sont les artistes participants : certains ont assisté à un culte, d’autres ont exprimé un désir de lire la Bible, et nous avons eu l’occasion de prier avec plusieurs d’entre eux.

Petit à petit, l’Église s’est fait une réputation : celle d’un lieu ouvert, où l’on peut venir, réfléchir, discuter, être accueilli tel qu’on est. Bien sûr, « ouverture d’esprit » peut se comprendre de multiples manières… Mais pour nos amis artistes, cela signifiait pouvoir participer selon leurs convictions, sans jugement, tout en étant invités à découvrir une autre perspective.

Des prolongements naturels

À mesure que les expositions se développaient, des évènements complémentaires s’y sont greffés naturellement. Nous avons organisé une rencontre « café church » (discussions en petits groupes autour des tables) ou une « soirée contemplative » (méditation silencieuse des versets bibliques sur fond sonore) sur le thème de l’exposition en cours, et plusieurs artistes y ont participé avec intérêt.

Nous avons également organisé des conférences publiques, animées par des orateurs chrétiens, en lien avec les thématiques abordées. L’une des plus marquantes fut celle de Sylvain Lombet, pasteur et psychologue, autour de l’exposition La culpabilité et le pardon.

Une aventure qui continue… autrement

Aujourd’hui, à Paris-Cardinet, le contexte culturel est différent. Les passants s’arrêtent moins facilement, et il nous faut identifier et inviter des artistes locaux (la majorité des artistes impliqués viennent encore du Pré Saint-Gervais). Malgré ces défis, l’art reste un moyen précieux pour toucher notre entourage et créer des ponts.

Les expositions communiquent notre désir d’être ouverts sur le monde et prêts à entamer un dialogue qui nous enrichisse mutuellement, quitte à sortir de notre zone de confort. Nous souhaitons volontairement surprendre ceux qui imaginent que les disciples de Jésus ne s’intéressent pas aux considérations esthétiques, au questionnement, ou à la créativité. Au contraire, ces derniers sont les bienvenus chez nous.

 

CAS D’ÉTUDE : L’EXPOSITION « RESTE »

L’exposition d’arts plastiques et de poésie a eu lieu du 16 mai au 15 juin dernier à l’Église Paris-Cardinet.

« Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s’il le faut.” / Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

Dans un monde ou les déplacements et les transformations se facilitent, se multiplient, s’accélèrent, est-il surprenant de constater une certaine fascination, un respect pour ce qui demeure, qui continue d’être, qui résiste à l’attrition ou l’affadissement ? Ces êtres et ces choses qui savent traverser le temps sans en être diminués, pour servir de témoins, messagers, survivants d’une époque disparue. Ce qui reste.

« Reste avec nous ! » Alors que le départ se profile, une simple invitation à prolonger le moment d’échange, de convivialité, d’interaction, de ne pas vouloir laisser la séparation tronquer cette agréable présence, au moins pas encore. Profitons du temps qui reste.

Ce qui n’est pas mangé. Ce qui habitera le tombeau après la décomposition. Une partie fidèle alors que la majorité s’en va. Un fourre-tout pour tout ce qui tombe en dehors du principal. Le reste.

L’histoire biblique laisse apparaître la place importante du reste dans le projet divin. Contre tout attente, la réaction de Dieu face à l’obstination tordue de ceux qui ont bénéficié de sa faveur, n’est pas de rejeter l’ensemble, mais de se focaliser sur un reste. Ce noyau qui demeure sera l’objet de son attention, et sa volonté de sauver et restaurer ce reste, le moteur de ses desseins pour l’humanité.

« Reste… » est également l’invitation du Dieu de la Bible : à rester avec lui, nous reposer sur ses promesses, demeurer dans le cadre qu’il a prévu pour notre épanouissement au lieu de fuir en quête de bonheurs illusoires.


« Toi tu restes le même » de Cécile Rossman (à gauche)

Rester comme les montagnes imperturbables et silencieuses
Rester connecté à plus grand que soi pour se dissoudre
Rester en chemin même en déviant
Rester vivant

Hébreux 1.10–12
« Toi, Seigneur, tu as au commencement fondé la terre,
Et les cieux sont l’ouvrage de tes mains;
Ils périront, mais tu subsistes;
Ils vieilliront tous comme un vêtement,
Tu les rouleras comme un manteau et ils seront changés;
Mais toi, tu restes le même,
Et tes années ne finiront point. »

« Beauté suspendue » de Jérémie Corbeau (à droite)

Que reste-t-il de ceux qui nous ont précédés ?

Des visages sur une vieille photographie, un pont façonné par des mains d’hier, des souvenirs transmis, des objets silencieux. Parfois, ce qui reste n’est pas visible : une mémoire, un regard, une parole, une foi. Le « reste », c’est ce que nous recevons sans toujours le choisir. C’est aussi ce que nous choisissons de transmettre. Ce que nous conservons, transformons, ou laissons derrière nous. La photographie que je présente illustre une trace laissée dans le ciel — un signe fugitif, léger, promis à disparaître. Elle incarne ce paradoxe : ce qui est le plus éphémère peut parfois nous marquer profondément. La lumière vient doucement éclairer un ciel nuageux, sombre, presque étrange. Cette ligne blanche qui le traverse interroge, dérange ou illumine, selon le regard de celui qui observe.

Ecclésiaste 1.11
« On ne se souvient pas de ce qui est ancien, et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard. »


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