Réflexion

Perspectives

Le confinement de l’Eglise Harmonie à Cormeilles

15 juin 2020administrateur

De l’obstacle au tremplin

Notre première réaction à Cormeilles a surtout été d’éviter de nous lancer tête baissée dans de multiples alternatives (numériques notamment) pour continuer nos activités à tout prix… La vraie question n’était donc pas « comment continuer la même chose sous un autre format ? » mais plutôt « comment utiliser ce temps que Dieu nous offre, cette crise, pour renforcer notre foi en Jésus ? ». Comment transformer ce qui nous paraît être un obstacle en un tremplin sur lequel prendre appuie pour aller plus loin, plus haut ?

Donc la première chose que nous avons entreprise a été de ne rien faire… ou plutôt de nous mettre à l’écoute de Dieu. Utiliser ces temps pour revenir à l’essentiel. Méditer, prier, adorer, aimer et témoigner. Il me semble d’ailleurs que notre vie de prière s’est enrichie et intensifiée, et nous nous en réjouissons. Ce temps m’a aussi personnellement permis de remettre les choses en perspective : la famille ne s’oppose pas au ministère, elle en est plutôt la base.

Nous avons ensuite mis en place des rencontres par visioconférence, seulement après plusieurs semaines, lorsque le besoin a été ressenti et exprimé par plusieurs personnes. La forme de ces moments nous a alors permis de redécouvrir la belle doctrine du sacerdoce universel car nous avions surtout des échanges, des discussions, des temps de louange et prières, où chacun participait activement. Nous étions plus dans le partage sincère et riche que dans le discours unidirectionnel.

De l’importance du corps

D’autres éléments m’ont également interpellé… tout d’abord la réalité de l’importance du corps. La présence physique est un magnifique cadeau de Dieu que nous devons chérir (dans la lignée d’une juste anthropologie biblique, et notamment d’une espérance chrétienne physique et matérielle) et non pas réduire (sous la bannière d’une spiritualisation de nos relations). L’insistance évangélique sur la communion spirituelle de ses membres ne s’est pas muée en paupérisation relationnelle justement, car cette réalité spirituelle est incarnée de manière éminemment physique dans nos communautés. Comment ne pas évoquer aujourd’hui sans un brin de mélancolie nos accolades, poignées de main, et autres baisers fraternels ?

Apprendre à pêcher

Ensuite, j’espère que cette épidémie, et le confinement qui est allé avec, a porté un coup décisif contre tout paternalisme spirituel malsain dans lequel il m’est si facile de tomber. Cajoler en gardant bien au chaud dans le nid et en venant apporter toute la nourriture dans le bec, fait grandir les oisillons… pas les chrétiens. 

D’où l’importance de donner les outils aux gens dans l’église pour qu’ils apprennent à pêcher plutôt que de simplement leur donner du poisson chaque dimanche… dans ces temps de « disette communautaire » avoir appris à se nourrir seul (savoir méditer, prier, surmonter les épreuves…) est aussi important que de continuer à soupirer après un retour à une vie communautaire « normale ».

Oui, pensons à la profondeur de la foi de nos frères et sœurs dans le monde qui vivent des moments de persécution bien pire que notre crise actuelle. Les tempêtes ne détruisent pas les demeures aux fondations solides elles ne font qu’en révéler la grandeur. Je pense par exemple à cette jeune chrétienne chinoise Esther Ahn Kim qui s’est préparée à être emprisonnée dans une prison japonaise en apprenant à vivre dans des conditions précaires, et surtout en apprenant de multiples hymnes et plus de 100 chapitres de la Bible par coeur…  

Est-ce que dans le feu de l’épreuve notre foi en plastique se consumera ou est-ce une foi en or qui s’affinera ?

Voilà qui doit me faire réfléchir sur la manière dont envisager le ministère pastoral pour nous préparer tous… à la prochaine crise. Car oui, il y en aura d’autres. Et la foi se révèle dans ces moments là. La Bible dit clairement que les épreuves sont un moyen pour révéler la teneur de notre foi (1 Pierre 1.6-8). Est-ce que dans le feu de l’épreuve notre foi en plastique se consumera ou est-ce que dans le feu de l’épreuve notre foi en or s’affinera ? Est-ce que les épreuves qui grandissent se placent entre moi et Dieu et m’éloignent de lui, ou est-ce que je parviens à placer ces difficultés derrière moi afin qu’en grandissant, au contraire, elles me poussent vers Dieu ? Dit autrement : ne fixons pas les épreuves, ce qui nous ferait entrer dans une peur malsaine, mais fixons Jésus au milieu des tempêtes (Matthieu 14.22-33).

A l’oppos » de ce paternalisme, un autre écueil serait au contraire le laxisme spirituel. Je me souviens d’avoir lu un vieux livre sur la prière et la méditation personnelle qui montrait comment, lorsque l’on passe en période de vacances, nos temps personnels avec Dieu ont tendance à se raréfier. Si les épreuves agissent comme un révélateur de notre foi, de l’autre côté les vacances aussi peuvent produire le même effet. C’est une période où « l’on fait ce que l’on veut », une période où notre cœur peut aussi se dévoiler… et parfois, au vu de ma propre expérience je vous le dis, c’est pas joli à voir. Alors, si face au paternalisme spirituel et une communauté trop envahissante il faut répondre par une foi personnelle solidement ancrée dans la grâce et la dépendance à notre Père ; face au laxisme spirituel et une communauté trop absente il faut répondre par un regain actif de redevabilité vécu dans la transparence, la sincérité et la grâce.

 

Pour finir, de manière très pratique, l’utilisation généralisée « forcée » des moyens numériques nous a appris que certaines choses peuvent tout à fait être faites par ce biais (surtout tout ce qui se fait plutôt à titre informatif, ou encore des votes, etc. et qui ne nécessitent pas toujours la présence physique). Il faut bien être conscient de quel medium utiliser en fonction de ce que l’on veut communiquer.

Enfin, cela a été souvent soulevé durant cette crise, mais mérite néanmoins d’être mentionné : dans notre société « hyper-gesticulée » il n’y a rien de tel qu’un sabbat prolongé pour nous faire prendre conscience que notre valeur ne dépend pas de notre efficacité.

Damien Wary, pasteur implanteur à Cormeilles-en-Parisis

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