Réflexion

Perspectives

L’Évangile de Jésus-Christ

15 février 2019administrateur

Une réflexion proposée par Patrice Alcindor, président de Perspectives, apportée au séminaire pastorale familiale en octobre 2018.

L’Évangile de Jésus-Christ

S’il y a bien une chose qui devrait être claire pour nous évangéliques, c’est… l’Évangile ! Pourtant, en reprenant ce que beaucoup ont dit (notamment Scott McKnight – King Jesus Gospel), ce que nous appelons communément l’Évangile n’est souvent pas l’Évangile biblique… mais une partie seulement, ou peut-être même une conséquence de l’Évangile. Il est urgent pour nous de repenser non seulement à notre proclamation de l’Évangile, mais à sa centralité dans nos vies, dans notre foi personnelle. Plusieurs mouvements se sont donnés comme objectif de défendre une juste compréhension de l’Évangile et de la place que l’Évangile doit tenir dans la vie de l’Église, et si beaucoup de leur travail est bienfaisant pour l’Église, en revanche certains aspects posent question, en particulier une sorte d’absorption de l’Évangile dans la sotériologie. Paradoxalement notre christologie en est appauvrie : Jésus Sauveur prend toute la place, et sa seigneurie ainsi que son plan de restauration de toutes choses deviennent secondaires.

Regardons à l’Évangile de Paul : Quel est cet Évangile qui a donné sens à sa rencontre inattendue avec le crucifié ? Quel est cet Évangile qu’il a reçu et a à son tour prêché ? Est-ce bien ce même Évangile que nous prêchons alors que le Seigneur se révèle à ceux qui nous entourent ?

Comment l’apôtre Paul définit-il l’Évangile ?

En se basant sur le texte de 1 Corinthiens 15, nous pouvons résumer le contenu de l’Évangile paulinien en 6 éléments :

  • L’Évangile de Paul est selon les Écritures
  • L’Évangile de Paul proclame Christ mort pour nos péchés
  • L’Évangile de Paul proclame que Christ est réellement ressuscité (authentifié par des témoins choisis)
  • L’Évangile de Paul annonce le règne de Christ
  • L’Évangile de Paul annonce la plénitude à venir du règne de Christ (Il détruira tous ses ennemis – la mort elle-même)
  • L’Évangile de Paul annonce que Dieu sera tout en tous

Dans ce texte, Paul précise que l’Évangile qu’il prêche n’est pas de son invention : il l’a reçu de ceux qui ont été apôtres avant lui. Regardons au livre des Actes des apôtres : la prédication de Paul dans ce livre fait suite à celle de Pierre, on peut ainsi découvrir et mettre en parallèle l’ « évangélisation » de Paul et celle de Pierre avant lui.

Prédications de l’apôtre Pierre – Actes 3.12-26

  • Pierre annonce la mort et la résurrection de Jésus, ancrée dans l’histoire du Dieu d’Israël (v.13)
  • Pierre proclame que la foi en Jésus ressuscité apporte la guérison (v.16)
  • Pierre souligne que ce qu’il annonce est l’accomplissement des Ecritures (v.17)
  • Pierre souligne la nécessité de la repentance ainsi que les bénéfices qui en découlent, et annonce le règne céleste, le retour de Christ et la restauration à venir (v.19)
  • Pierre termine son discours en soulignant l’importance d’accueillir sa prédication (v.23)

La prédication de Pierre semble bien correspondre à l’Évangile que Paul affirme avoir reçu en 1 Corinthiens 15.

Peut-on voir cet Évangile à l’œuvre dans l’évangélisation de l’apôtre Paul ?

L’apôtre Paul prêchait-il ce même Évangile ? Penchons-nous sur sa prédication à Antioche de Pisidie, dans Actes 13.16 à 41

  • Paul replace sa prédication dans l’histoire d’Israël (v.16)
  • Paul souligne l’aboutissement de cette histoire en Jésus (v.23)
  • Paul annonce la vie, la mort et la résurrection (authentifiée) de Jésus (v.26)
  • Paul souligne que c’est l’accomplissement des Ecritures (v.32)
  • Comment répondre à l’histoire de Jésus, ce que cela apporte et le danger de ne pas écouter (v.38)

La conclusion s’impose : l’Évangile prêché par Paul est bien celui qu’il a reçu de ceux qui ont été apôtres avant lui, au premier rang desquels l’apôtre Pierre.

Cet Évangile ne se limite pas à l’annonce du salut à la croix, mais inclus l’espérance d’Israël accomplie dans la venue du Messie, sa vie parfaite, sa mort « pour nos péchés », sa résurrection qui ouvre sur la proclamation de sa seigneurie, son règne glorieux, son prochain retour et le rétablissement de toutes choses, où Dieu par Jésus-Christ est enfin tout en tous. Lorsque nous réduisons l’Évangile à l’annonce du pardon des péchés par le sacrifice de Jésus à la croix, nous annonçons un Évangile tronqué. On peut remarquer d’ailleurs que non seulement l’Évangile prêché est plus large que le plan du salut, le pardon des péchés, mais l’accent des prédications apostoliques est plutôt mis… sur la résurrection ! Le pardon des péchés est un bénéfice de l’Évangile, contenu dans l’Évangile, plutôt que « le tout » de l’Évangile. Si nous voulons être fidèle au témoignage apostolique, nous devons retrouver l’importance du récit des actes de salut de Jésus et la perspective de sa seigneurie, de sa gloire présente et future, éléments qui sont souvent secondaires dans notre prédication évangélique aujourd’hui.

Nous ne devons pas être étonnés que tant de personnes qui professent avoir eu une conversion « évangélique » ne semblent guère porter de signes d’une vie à la suite de Jésus le Christ. On a même assisté il y a quelques années à cette polémique grotesque outre-atlantique consistant à savoir s’il était possible d’accepter Christ comme sauveur et non comme seigneur ! Cela n’a strictement aucun sens. Christ est le sauveur de ceux dont il est le seigneur, ceux qu’il entraîne dans son triomphe sont ceux qui sont au bénéfice de ce qu’il a acquis.

La proclamation de l’Église ancienne

L’Évangile apostolique s’est frayé un chemin intact jusqu’au II et IIIème siècle. Dans un sens, on ne peut revenir en arrière en théologie. L’approfondissement, les débats, les précisions doctrinales nous rendent sensibles à maintenir clairement certains éléments qui pendant longtemps n’étaient pas forcément au premier plan. Notre théologie, comme notre vie de foi, est toujours situé historiquement. Pourtant, en ce qui concerne l’annonce de l’Évangile, et même notre passion pour Christ, peut-être devrions-nous nous réapproprier, et nous contenter des symboles de la foi des premiers siècles. Ils rendent témoignage à l’Évangile de manière bien plus forte que la plupart de nos textes et prises de positions pour défendre l’Évangile. Ou simplement pour le proclamer.

Le Credo

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.

Je crois en Jésus-Christ
son Fils unique, notre Seigneur,
qui a été conçu du Saint-Esprit,
et qui est né de la vierge Marie ;
il a souffert sous Ponce Pilate,
il a été crucifié, il est mort,
il a été enseveli,
il est descendu aux enfers ;
le troisième jour,
il est ressuscité des morts ;
il est monté au ciel,
il siège à la droite de Dieu
le Père tout-puissant ;
il viendra de là
pour juger les vivants et les morts.

Je crois en l’Esprit Saint ;
je crois la Sainte Église universelle,
la communion des saints,
la rémission des péchés,
la résurrection de la chair
et la vie éternelle.

Amen.

On est de nouveau frappés par le contraste entre l’Évangile qu’on retrouve dans le Credo, incluant toute l’histoire de Jésus, et son peu d’intérêt pour la précision dogmatique sur tous les sens possibles de la mort de Christ, pour annoncer simplement la rémission des péchés parmi les bénéfices de l’histoire des accomplissements de Jésus. Bien sûr, la théologie répond souvent aux questions du moment et surtout aux négations du moment, mais le contraste ne me semble pourtant pas anodin.

Il ne s’agit pas d’opposer l’Évangile apostolique et l’annonce du salut.

L’Évangile est une bonne nouvelle car il inclut le salut des hommes, il inclut la mort substitutive de Jésus pour le pardon des péchés. Mais l’Évangile dépasse la sotériologie, car l’Évangile est un récit qui concerne Christ lui-même. C’est en racontant, encore et encore l’Évangile de Jésus le Christ que nous renouvellerons sans cesse notre passion pour Jésus lui-même, notre Roi, notre Seigneur. Je crois qu’une redécouverte de l’Évangile néotestamentaire comme proclamation de la venue de Jésus, accomplissant l’histoire d’Israël, sa vie parfaite, sa mort, sa résurrection, son ascension glorieuse, son règne et son prochain retour, est d’une importance capitale. Une redécouverte de celui par qui et en qui Dieu réconcilie toutes choses avec lui-même, est fondamental. L’Évangile est plus vaste que la mort substitutive de Christ en notre faveur. L’Évangile inclus bien sûr le pardon des péchés, mais l’Évangile concerne Christ.

Dans un texte adressé aux Philippiens (3.4 à 11), l’apôtre Paul expose ce qui fait sa fierté et sa joie : Jésus-Christ. Tout ce qu’il considérait jusqu’à lors comme le démarquant du reste des hommes, ce qui faisait de lui un être à part – un membre du peuple de Dieu, un membre du peuple élu – il le regarde désormais comme des ordures. Ces choses ne sont plus un gain, mais une perte au regard de ce trésor bien supérieur qui est la connaissance de Jésus le Messie, son Seigneur. Désormais, une seule chose le passionne, une seule chose est son obsession :  gagner le Messie, être trouvé en lui avec la justice qui vient de la foi, dans la perspective de la résurrection.

Terminons par ces paroles que l’apôtre Paul au soir de sa vie adressait à Timothée et que le Saint-Esprit nous adresse encore aujourd’hui (2 Tim 2.8ss) :

“Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, issu de la descendance de David, selon mon Évangile, […] Cette parole est certaine :
Si nous sommes morts avec lui, Nous vivrons aussi avec lui ;
Si nous persévérons, Nous régnerons aussi avec lui ;
Si nous le renions, Lui aussi nous reniera ;
Si nous sommes infidèles, Lui demeure fidèle, Car il ne peut se renier lui-même
.”

Voilà ce que nous devons rappeler.

 

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